Les Vieilles Chaînes Villefranchoises
L'histoire débute en 1966 quant en devenant président du Moto-Club Rouergat Jacques Boudet relance le club mis en sommeil depuis 1958 . Il écume alors avec son frère Henri,Boyer,Fourcade et consorts tous les circuits de Cross de la région . Mais déjà germe en lui une idée : faire sa propre moto . En 1968 et 1969 deux prototypes sont construits , l'un avec un moteur Villier et l'autre avec un moteur Puch mais les résultats ne sont pas très probants .1971 : BP comme Boudet/Portal - De circuits en circuits des affinités se créent et la rencontre avec les frères Portal sera déterminante . Nous sommes en 1970 et bien vite mûrit , entre les trois hommes , l'idée d'un nouveau prototype. La chose est faite en 1971 avec la première BP : un 125 Cross à moteur Sachs , réservoir sous la selle et filtre à air dans le faux réservoir ou l'on devine , déjà , la "patte" des Portal . C'est aussi l'époque des premiers balbutiements de l'enduro en France et nos trois hommes vont s'y engouffrer entraînant avec eux Henri Boudet le frère de Jacques . Le sous-sol du garage Simca-Chrysler des frères Boudet servira d'atelier à la nouvelle marque . C'est là que naîtront les futures BP . En 1972 , à Brioude , est présenté un protopype BP 125 Enduro à moteur Sachs 6V . La machine confiée à Gilles Mallet , journaliste à Moto-Journal , ne semble pas avoir connu de gros soucis . Elle va donc servir tout naturellement de base aux futures BP dont la mise en production est annoncée pour 1973 .1973 : BPS comme Boudet/Portal/Seurat - Sans réseau commercial il est bien difficile de promouvoir et de vendre un produit . Et c'est là qu'apparaît Marcel Seurat . Importateur de la marque espagnole Ossa depuis 1968 , il va mettre dans la corbeille toute son expérience du marché français . Un projet ambitieux est lancé : sortir une moto par jour . Au fil des jours une gamme complète prend forme , mais le modèle phare sera le 125 enduro Elan à moteur Sachs et boite 6 vitesses qui est en fait une suite logique du prototype 125 BP de 1972 . En cours d'année apparaissent également plusieurs modèles Cross dont l'un à moteur 250 Ossa sera confié à Jacky Vernier le gendre de Marcel Seurat le pourvoyeur des moteurs . Le sous-sol du garage des frères Boudet n'étant pas adapté à une mise en production c'est dans un nouvel atelier , 94 route de Toulonjac , que les six premiers employés de la marque soudent les cadres et assemblent les motos . Cette même année un Trophée de France d'Enduro (qui est en fait le premier Championnat de France) voit le jour et pour y participer un Team BPS est créé avec comme pilotes Jacques Boudet , Gilles et Denis Portal , Francis Boyer et Jean-Claude Castes . En fin d'année au Salon de Paris l'on peut voir , pour la première fois , un stand BPS ou sont présentés trois modèles de la marque . Après cette première année de commercialisation pleine de promesses tout semble réunis pour réussir ce qui n'était qu'un rêve .1974 : BPS s'affirme - L'année commence mal car , très vite , Marcel Seurat pris par d'autres projets va passer la main .Pourtant elle restera comme l'année de référence , tant sur la plan sportif que commercial , celle qui va asseoir BPS comme une marque à part entière . Le catalogue propose maintenant cinq modèles Enduro et cinq modèles Cross dont les cylindrées vont de 50 à 400 cc . Les moteurs sont des Minarelli/Aspès/Morini/Sachs/Ossa et Maïco . En parallèle est créé un Chalenge BPS Enduro qui va drainer vers la marque de futurs pilotes et va devenir un formidable vivier . Au Championnat du Monde , qui ont lieu à Camerino en Italie , les frères Portal obtiennent deux médailles d'argent . Confirmé par de nombreuses victoires en compétition , la percée sur le marché français des motos BPS vient récompenser tous les efforts faits par l'ensemble du personnel et de ses dirigeants . Mais , malheureusement , des contacts pris avec la marque SWM lors des Championnats du Monde à Camerino vont venir ternir , en fin d'année , un bilan en tout points exceptionnel . En effet Gilles et Denis Portal ne voyant pas la nécessité d'une nouvelle stratégie et peu enclins à vendre des motos fabriquées sous d'autres cieux vont quitter BPS pour voler de leurs propres ailes . Mais l'histoire va continuer pour Jacques et Henri Boudet qui décident de poursuivre seuls cette formidable aventure .1975 : BPS se tourne vers l'Italie - Pour encadrer la quinzaine d'employés une nouvelle équipe est mise en place avec Henri Boudet comme directeur commercial et Dominique Connac comme directeur technique . Bien aidée par un catalogue complet la production de l'usine dépasse les 2000 motos . Grâce à des accords passés avec des firmes italiennes pour la fourniture d'accessoires la gamme s'est diversifiée et propose maintenant près de 25 modèles . Et l'on ratisse large , des modèles de route/trial/trail/cross et même mini-moto y sont présents . Deux autres accords importants sont conclus avec les firmes italiennes SWM et Aspès . Ainsi l'on voit apparaître , en cours d'année , des 125 et des 175 Super Elan Six Days qui ne sont (à quelques détails près comme la selle , le réservoir et l'échappement) que des productions SWM tout comme ne sont que des Aspès rebaptisées les fameux 50 Navaho et les 125 Sport qui bientôt brilleront en Promosport . Véritable pourvoyeur de nouveaux pilotes le Chalenge BPS Enduro est reconduit ; Du coté des résultats sportifs , aux Championnats de Monde qui ont lieu à l'Ile de Man en Angleterre c'est quatre médailles de bronze qui viennent récompenser le Team BPS . En Championnat de France Francis Boyer fini vice-champion en 175 Inter alors que Daniel Delavault et Josè Barbara finissent deuxième et troisième en National . A noter également la première victoire , à Ledenon , du pilote BPS Christian Albinet en Championnat 125 Promosport . Au bilan , BPS a bien négocié un virage important mais se doit de confirmer sa place sur le marché français . 1976 : BPS premier constructeur français - Une nouvelle étape est franchie . En effet une nouvelle usine est construite et , en Avril , BPS va s'installer route de Monteils dans la zone industrielle de Villefranche . Des locaux neufs , plus spacieux , d'une superficie de 1200 m2 , vont permettre d'avoir enfin un outil de travail digne des ambitions de la marque . Les zones de montage et celles de stockage sont doublées et lorsque le 5 Juillet a lieu l'inauguration , en présence de Robert Fabre le Député-Maire de Villefranche et de Maître Sinègre-David de la Fédération Française de Motocyclisme et ancien président du Moto-Club Rouergat , la fête est totale . L'on profite de l'occasion pour baptiser le tout dernier modèle du 125 Yak qui va s'attaquer au marché du Trial . Claude Goutard en sera le parrain . En collaboration avec un ingénieur italien un moteur BPS est étudié . Il s'agit d'un 125 à distribution rotative développant 30 Cv à 9000 T/m . Testé au banc d'essais et sur une moto ce projet sera , hélas , abandonné . Et les résultats sportifs vont suivre . Au Championnat du Monde qui ont lieu à Zetwelg en Autriche Jean-Marie Huguet et Jean-Pierre Lloret sont médailles d'argent , Jean-Pierre Mathieu médaille de bronze . Au Championnat de France Francis Boyer fini troisième des 250 Inter . En 125 National les 5 premières places sont prises par des BPS et sacre Jean-Pierre Lloret Champion . Dans la catégorie 50 c'est également la main-mise de l'usine avec trois pilotes sur le podium et c'est Christian Lagarrigue qui remporte le titre . Sans oublier les 125 Promosport ou malgré une chute du pilote de l'usine Christian Albinet , qui va être éloigné quelques temps des circuits , BPS décroche le titre grâce à Arnaud de Puniet .
1977 : BPS , la progression des ventes - Le réseau commercial mis en place par Henri Boudet s'étale maintenant sur toute la France et tente des percées hors de nos frontières . La production avoisine les 5000 machines et c'est une trentaine de personnes qui travaillent dans la nouvelle usine . Un catalogue plus complet , ou tous les styles y sont représentés , propose des modèles à l'aspect plus moderne et plus en phase avec une nouvelle clientèle . Des nouveaux modèles comme les RS/GS équipés d'un moteur Rotax à admission rotative font leurs apparitions . Le champion toute catégorie des ventes est , sans conteste , le 50 Navaho suivie de près par les 125 enduro Elan et Sylver Vase . Merci le Chalenge BPS Enduro !!!! Hélas , au niveau sportif , les BPS perdent un peu de terrain par rapport aux grosses écurie comme KTM ou Ossa . A noter tout de même la deuxième place , au Championnat de France de Jean-Guillaume Meiller en 125 Inter et le titre en 50 Enduro de Christophe Feret complété par la troisième place , dans la même catégorie , de Thierry Chevrot .
1978 : BPS piétine - Très peu de changement au catalogue . La gamme comprend toujours les modèles qui ont fait son succès : Novaho/Yak/Elan/Super Elan/Siver Vase et toute le famille des RS/GS à moteur Rotax . Mais , hélas , l'image de BPS se ternit car petit à petit plus rien n'est assemblé à Villefranche , tout arrive monté des usines Italiennes . Seul reste à Villefranche lei montage du Yak ce qui va entraîner une diminution progressive du nombre d'employés . Au championnat de France KTM,Sachs,Husqvarna et Fantic se partagent les podiums . BPS ne peut faire mieux que la quatrième place en 250 Inter avec Jean-Marie Huguet alors qu'en 125 Inter c'est Xavier Audouard qui finit quatrième tandis que Jean-Pierre Lloret prend la septième place . Mais l'honneur est sauf car en Championnat de France des 125 Promosport l'on note la victoire de Patricia Sanchez chez les féminines et celle de Guy Meynet chez les hommes .1979 : BPS perd SWM - BPS se cherche , les ventes diminuent , les résultats sportifs ne sont plus aussi euphoriques ce qui , pour une sociéte qui a tout misé sur la compétition , ressemble fort à une régression . Le pire est a venir car ce qui se murmurait , depuis quelques temps , va venir changer la donne . En effet , courant Septembre , Gérard Caro crée la société SWM France et devient l'importateur officiel de la marque . Pour BPS qui en avait l'exclusivité c'est une catastrophe . Pourtant l'on verra encore pendant quelques temps des motos avec des plaques SWM vendues avec une carte grise BPS mais c'est la fin de l'histoire SWM/BPS . Coté sportif , à la Croisière Verte l'un des premiers Rallye-Raids , Francis Boyer au guidon d'une 350 Cagiva/BPS gagne dans sa catégorie et fini troisième au général mais aucune BPS n'apparaît sur les podiums du Championnat de France d'Enduro . Une nouvelle fois c'est un doublé au Championnat de France des 125 Promosport , le titre féminin revient à Sarah Gilles et celui des hommes est décerné à Philippe Beaucamp .1980 : BPS trahis par une loi - Déjà en mauvaise posture après la perte de SWM , c'est une nouvelle règlementation routière qui va sonner le glas pour BPS . En effet courant Janvier parait un décret qui vient interdire , à partir du 1er Juin , la vente des cyclomoteurs à boite de vitesse . Pour BPS c'est la mort assurée car la majeure partie des ventes se fait dans ce créneau . Il faudra attendre , hélas , 1996 pour que la loi s'inverse et revienne sur sa décision . Pour couronner le tout la règlementation du permis change : la catégorie 125cc est ramenée à 80cc à partir de 16 ans . Tout l'ensemble de ce qui maintenait BPS à flot s'effondre . Il faut revoir tous les modèles , refaire un catalogue mais les moyens financiers manquent . Seule les ventes d'Enduro permettent à la marque de survivre . Aussi , en fin d'année , à la lecture des divers classements sportifs où aucune BPS n'apparaît l'on peut craindre le pire .1981 : Le dernier salon de BPS - Au Stand N°236-Bât.3 du Salon 1981 l'on voit pour la dernière fois des BPS . Mais ce ne sont plus les motos qui ont fait rêver tous les adolescents de France . Ce sont maintenant des Gori rebaptisées qui ne sont , elles mêmes , que des SWM à quelques détails comme le cadre à double berceaux . La gamme Enduro propose des modèles 125/175/240 et 440 et celle de Trial un 125 et un 240 . Malgré tous les efforts pour relancer la marque la fin semble se profiler pour BPS . La chute vertigineuse des ventes , le manque de trésorerie et l'absence de résultat sportif vont avoir raison de l'obstination des frères Boudet et de tous ceux qui durant toutes ces années ont "fait" BPS .1982 : La fin de BPS - La marque ne survit que grâce à la vente de motos et de cyclomoteurs de divers constructeurs . Aussi , courant Septembre , c'est la mort dans l'âme que les frères Boudet jettent l'éponge et mettent un terme à l'aventure BPS . En fin d'année BPS sera pourtant une nouvelle fois , mais hélas à titre posthume , Champion de France des 125 Promosport grâce à Thierry Pelletant. Aujourd'hui encore c'est avec émotion que les anciens de BPS parlent . Tous , des monteurs aux pilotes en passant par les divers responsables , sont conscients d'avoir vécu une formidable aventure . Les traces laissées par BPS sur la décennie 1970/1980 sont incontestables . Rivalisant avec les plus grandes marques de l'époque comme KTM/Ossa/Hercules/Fantic ou Husqvarna dans des championnats aussi divers que l'enduro , le cross , le trial ou la piste , BPS a su se montrer digne des plus grands . Véritable dénicheur de talents , l'âme de BPS , Jacques Boudet restera comme l'homme qui a donné leurs chances à de jeunes pilotes . Jean-Luc Fouchet , Gilles Burgat , Denis et Jacky Vimond font partie de la liste . Sans oublier tous ceux , bien trop nombreux , qui par le biais du Chalenge BPS ont pu réaliser leurs rêves . Les motos BPS laissent derrières elles l'image d'une marque sportive où tout était pensé pour la compétition ce qui , hélas , n'était pas compatible avec une bonne gestion financière . Dommage .
Je tiens à remercier Henri Boudet ainsi que son épouse Aline , Jean-Claude Castes , Christian Albinet , Francis Boyer sans oublier Jean Bourdache pour les divers documents ou souvenirs qu'ils ont bien voulus me confier .
Michel Antraygues